Revue de projets #18 : Ophélie Benito et la collection Mollis

Ophélie Benito est une jeune designer, conceptrice de la Collection Mollis, une gamme d’objets enveloppants dédiée au soin. Membre de Kèpos, elle nous expose sa vision du design comme étant au service des hommes et des territoires.

Qui êtes-vous ?

Je suis Ophélie Benito. Je suis designer de formation et ce qui m’anime, c’est de pouvoir mettre ma créativité et mes compétences au service de l’humain pour améliorer son quotidien. Par ailleurs, le fait de développer des solutions en circuit court et avec des matériaux naturels du territoire est un enjeu important dans chacun de mes projets.

Je suis, depuis 2017, créatrice de la Collection Mollis, une gamme d’objets enveloppants et apaisants composés en majeure partie de laine de mouton biologique de lorraine. Diplômée en design de l’Ecole Nationale Supérieure d’Art et de Design (ENSAD) de Nancy, j’ai également un master de design global spécialisé dans les procédés de fabrication et les matériaux. Ces deux formations, ainsi que les stages que j’ai pu effectuer, notamment chez MateriO à Paris, m’ont permis d’apprendre à créer et fabriquer des projets qui remettent l’utilisateur au centre des réflexions, ainsi qu’à engager les ressources les plus adaptées, dans des conceptions durables et respectueuses de l’environnement.

Comment en êtes-vous arrivée à imaginer la Collection Mollis ?

La Collection Mollis est née d’une réflexion qui a débuté lors d’un atelier étudiant collectif nommé « Care », centré sur l’éthique dans les lieux de soin. À cette occasion, j’ai visité un institut médico -éducatif qui accueillait des enfants atteints de troubles du spectre autistique, et ai observé leur quotidien dans l’établissement. J’ai découvert, dans ces lieux de vie et de soin souvent froids et aseptisés, un réel besoin de soutien et de solutions humanisantes pour les professionnels et les habitants.

Les enfants entraient régulièrement en crise liées à divers facteurs, aggravés par un environnement anxiogène. Toutes les solutions qui leurs étaient proposées étaient curatives et souvent situées dans des salles accessibles uniquement sur rendez-vous. Ainsi a débuté, avec les soignants, une réflexion sur la création de solutions préventives plus accessibles et plus résilientes pour réhumaniser ces lieux d’accueil, au sein desquels les matières naturelles sont absentes et manquent. Avec les premières recherches et les premiers essais en équipe, j’ai réalisé que l’enveloppement et la compression apaisait efficacement ces bénéficiaires. Puis, j’ai recherché les ressources humaines et matérielles du territoire à même de répondre à ces problématiques. C’est en rencontrant la Filière laines ainsi que différentes entreprises locales et chantiers de réinsertion professionnelle que les objets ont vu le jour. La découverte des qualités techniques et sensorielles de la laine de mouton a été déterminante pour la naissance du projet, c’est sur ces caractéristiques que s’appuie aujourd’hui la Collection Mollis.

Qu’est-ce que propose la Collection Mollis, et à qui s’adresse-t-elle ?

La Collection Mollis est une gamme d’objets « mous », enveloppants, doux et lourds, qui tendent à améliorer la qualité de vie de personnes fragiles par un accompagnement physique et psychique grâce à des ressources locales et naturelles telle que la laine de mouton. Envelopper avec ou sans compression, entourer le corps et l’humain pour apaiser par une étreinte contrôlée, tels sont les modes de fonctionnement des coussins et supports de la Collection Mollis. Chaque objet est conçu pour s’adapter à toutes les postures et pour être utilisé seul ou avec les autres solutions de la gamme.

Elle s’adresse en tout premier lieu aux personnes fragiles vivant ou étant de passage dans des lieux d’accueil du secteur médico-social (MAS, IME, EHPAD), mais également au grand public. En effet, au fil du développement du projet, j’ai remarqué que les solutions low tech que je met en place ont un impact positif sur la santé et le quotidien de personnes en perte d’autonomie ou avec des particularités, mais intéressent aussi beaucoup le grand public et peuvent l’accompagner au quotidien.

La Collection Mollis existe également pour s’adapter aux besoins spécifiques. C’est pourquoi je suis en capacité de proposer des prestations de design d’espace ou d’objets, ainsi que des animations, afin d’adapter un lieu à recevoir les solutions de la Collection, ou d’adapter les objets à des besoins très précis.

Tous vos matériaux sont bio-sourcés et produits en local : quel est l’intérêt d’une telle démarche ?

La démarche de faire appel à des ressources humaines et matérielles locales a été la mienne pour plusieurs raisons. La première réside tout simplement dans mes convictions. La Collection Mollis a pour fondation la notion de Care (éthique du soin). Ne pas prendre soin des humains et du territoire dans mon développement aurait été contraire à l’éthique du projet. Aussi, je crois au fait que tout créateur de produit, peu importe sa visée, doit, et cela fait partie de son travail de recherche et développement, penser à la durabilité, au choix des matériaux les plus adaptés et les plus accessibles, ainsi qu’à l’impact environnemental de sa solution. Cela fait partie du travail de création.

J’ai utilisé la laine, le blé et le textile de coton des Vosges, non pas uniquement pour faire avec les ressources naturelles du territoire, mais également parce qu’elles correspondaient à ce que je voulais développer, même s’il faut garder à l’esprit que certains matériaux d’origine naturelle peuvent parfois avoir une durabilité et un impact carbone plus négatifs que d’autres ressources.

L’intérêt de cette démarche est à la fois de créer de l’activité locale pour soutenir l’économie, mais également de valoriser ou revaloriser des ressources qui sont souvent méconnues ou sous exploitées sur le territoire. Pour ma part, la connaissance de la Filière laines et du fait qu’il y a encore 5 ans, 99% des dizaines de tonnes de laine de mouton produites dans la région étaient considérés comme des déchets ou vendues à des grossistes à des prix dérisoires pour être exportés en Asie m’a beaucoup touchée. Découvrir la Filière laines et toutes les démarches éthiques mises en place dans la Grande Région a fini de me convaincre d’utiliser ce matériau qui avait déjà les qualités techniques recherchées.

Pour finir, le contact humain direct avec ses fournisseurs et ses fabricants me semble primordial pour développer une solution maîtrisée. Le circuit court est alors, en plus de son faible impact carbone, le meilleur choix.

Comment voyez-vous le rôle du design dans la conduite des transformations de modes de vie et de production impliquées par la transition écologique ?

Les designers d’aujourd’hui sont formés pour repenser les modes de vie et ont toujours été créateurs de nouvelles façons de faire ou de voir les choses. Ils peuvent instiguer le changement. Ce métier a d’ailleurs pour objectif de trouver des solutions, des facilitations et des transformations autour des humains en observant tout un écosystème. Or, si l’on observe les écosystèmes pour trouver des solutions, il me semble difficile de faire ce métier sans être impliqué dans la transition écologique, cela me parait presque obligatoire.

De mon point de vue, les designers ont donc un rôle important à jouer dans la transition écologique puisqu’ils sont à la fois à même de créer de nouvelles solutions pensées pour les humains et dans un environnement, mais également parce que le design est là pour améliorer l’existant. Faire avec l’existant permet de prolonger la durée de vie des objets, des matières et des espaces, ce qui à mon sens est un enjeu primordial. Comme je le disais auparavant, le choix des matériaux, des méthodes et des fabricants fait partie du travail du designer, qui, s’il les maîtrise, peut avoir un rôle important dans la conduite des changements des modes de vie et de production. Je pense enfin que les designers peuvent jouer un rôle important dans la transition en sensibilisant leurs clients, qui peuvent être des grands groupes ou des collectivités. Ils se transforment alors en vecteurs de changements à grande échelle.

Quelles sont les perspectives pour vous et la Collection Mollis ?

Pour moi et pour la Collection Mollis, l’avenir se préfigure entre vente d’objets, prestations de design d’objets, d’espaces et d’éléments graphiques au service du mieux vivre et pour tous. J’envisage un nouveau statut et d’ouvrir une entreprise pour faire changer d’échelle la Collection, afin de pouvoir la proposer plus largement au grand public, aux professionnels et dans les lieux de soin. Cette étape débutera dès la rentrée scolaire, bien que je sois déjà à même d’entamer des opérations dès aujourd’hui. La certification en dispositif médical est également une perspective d’avenir importante pour la Collection, afin d’améliorer son accessibilité.

J’aimerais par ailleurs faire évoluer la Collection Mollis pour la rendre encore plus accessible, l’étoffer et développer de nouveaux produits dédiés à de nouveaux usages ou à des publics précis tels que les mamans et leur bébés. Les solutions créées seront toujours pensées au plus proche des futurs utilisateurs, pour être utiles, flexibles et pour durer au sein de l’habitat.

Merci !

Emmanuel Paul de Kèpos

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