L’action collective au défi des économies d’énergie

Clairlieu est un lotissement construit dans les années 70 situé sur la commune de Villers, sur les hauteurs de Nancy. Aujourd’hui, les 1310 pavillons en plaques de béton, conçus avant le premier choc pétrolier et affichant des performances thermiques catastrophiques, doivent être rénovés pour répondre à l’enjeu des économies d’énergie. A l’heure où ce type de rénovation est au cœur des politiques publiques de performance énergétique, le cas de Clairlieu apporte une réponse originale à ces défis.

L’initiative est partie des habitants il y a une dizaine d’année, ceux-ci sentant que la situation n’était plus tenable. Ils ont alors imaginé un système à trois dimensions, permettant de maximiser les synergies sur le territoire :

  • Premiers concernés, les habitants sont demandeurs des travaux. Maîtres d’ouvrage, ils sont eux-mêmes susceptibles de participer aux travaux de rénovation en tant que bénévoles, chez eux bien sûr, mais aussi chez les autres.
  • Une association, Clairlieu Eco-Défi, fait vivre la dynamique sur le quartier : sensibilisation, communication, aide aux maîtres d’ouvrage pour obtenir des financements publics, organisation de crowdfundings, etc…
  • Une SCIC (Société Coopérative d’Intérêt Collectif) a été créée, Clairlieu Eco Rénovation Solidaire, qui réalise les travaux. Cette SCIC a été créée par les habitants eux-mêmes, sous la houlette de professionnels du bâtiment habitant le quartier. Les habitants peuvent être associés à la SCIC en tant que bénéficiaires de ses services.

Ce triptyque permet de lier efficacement écologie, économie et solidarité. En effet, la rénovation de ces maisons pose des problèmes spécifiques pour lesquelles il était nécessaire de concevoir des solutions ad hoc. Les premières années de la SCIC ont donc été consacrées à mener une activité de Recherche et Développement (R&D), débouchant sur quelques brevets et permettant de répondre techniquement aux besoins propres à ce type d’habitat. Le parti a été pris de privilégier des produits fabriqués localement et biosourcés. Pour faire face à la hausse des coûts qui en résultait, la SCIC a développé des solutions semi-industrielles sous forme de caissons isolants qui viennent se plaquer sur les murs de la maison et remplacer son toit. Ainsi, le temps de travail en usine tend à croître, et celui sur le chantier à décroître, permettant une conduite des travaux efficace et rapide. Le travail de R&D qui a été fourni a permis à la SCIC de s’engager auprès de ses bénéficiaires sur l’obtention du label BBC (Bâtiment Basse Consommation), et ce pour un coût bien moindre que les solutions classiques utilisant ce type de produits.

Ce qui est singulier dans le cas de Clairlieu, c’est que l’initiative part des habitants et est assumée collectivement. Il ne s’agit pas d’une succession d’initiatives individuelles, mais d’une logique solidaire qui trouve elle-même les propres solutions à ses besoins. De plus, les habitants bénévoles fournissent environ un quart du temps de travail total nécessaire à la rénovation, et ce, sans gêner l’obtention d’une garantie décennale. L’association permet de nourrir la dynamique collective, alors que la SCIC est là pour apporter les solutions techniques. A aucun moment le maître d’ouvrage n’est laissé seul face à sa problématique, et ce sur l’ensemble des dimensions d’un projet : financement, conception, réalisation. Les profits obtenus par la SCIC restent sur le territoire, œuvrant ainsi à un circuit local de l’argent.

Ainsi, l’exemple de Clairlieu donne à voir une prise en charge locale d’un besoin local, misant sur l’action collective et l’implication des habitants du territoire, et ce en développant une offre intensive en connaissance, avec dépôt de brevets à la clé. En somme, une solution exemplaire apportée à un besoin majeur de la transition énergétique ! Il restera à résoudre sur ce type de quartier périphérique la question des déplacements, mais c’est un autre problème ! En attendant, après une dizaine de maisons rénovées pour affiner les solutions techniques,  1300 pavillons sont à rénover !

Emmanuel Paul de Kèpos

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